Profil
des cultivars de blés de qualité
par
Judith Frégeau Reid
La valeur industrielle des blés commerciaux est
un des premiers critères dont il faut tenir compte pour les distinguer les uns
des autres. De par le monde, on groupe
les types de blé sous différentes categories en fonction de leur utilisation. Ces
re-groupements confondent parfois des types de blé qui sont, par contre,
séparés au Canada compte tenu de nos processus de transformation et de nos
produits distincts de ceux de ces autres pays.
Les espèces
commerciales de blé
En Amérique du Nord, trois types
de blés domestiques sont cultivés en grande quantité: le blé dur dit ambré (Triticum durum) qui est génétiquement
distinct du blé commun (Triticum aestivum vulgare) auquel
appartiennent le blé tendre vitreux dit
de force (hard) et le blé tendre dit faible ou mou (soft). Le blé dur ambré , communément appelé blé
durum, est généralement utilisé pour la fabrication de semoule pour une transformation en couscous ou en pâtes alimentaires
(spaghetti, macaroni, etc.). Le blé
tendre vitreux , aussi appelé blé roux (rouge) dur ou blé de force, sert
principalement à la boulangerie
et à la glutennerie. En Amérique du Nord, il peut également servir à la fabrication de pâtes à pizza , de
certains types de nouilles et autres produits connexes. Quant aux blés tendres comme tel, ils
servent exclusivement à la fabrication de biscuits, de gateaux , de patisseries
ainsi qu’aux confiseries, fabriquants de sauces et industries de céréales à déjeuner.
On trouve plusieurs types de qualité chez les blés tendres vitreux
et le texte qui suit donnera un aperçu
de cette variabilité et des cultivars qui sont disponibles pour les producteurs
et transformateurs.
Depuis le milieu des années 1980, des blés panifiables d’automne et de
printemps sont cultivés en Ontario, au Québec et dans les Maritimes. Plusieurs types de qualité recherchés par
les minoteries ont été identifiés. Cette classification se base sur les propriétés de la pâte et
l’utilisation possible en boulangerie, avec comme marché principal le pain de
mie. Les tests d’aptitude
technologique pour les blés destinés à
la boulangerie sont faits avec les grains et
la pâte et sont ensuite suivis d’un test de panification confirmant le
potentiel de qualité de la variété. La performance individuelle sur le plan de
la qualité est habituellement comparée avec celles de cultivars de
références. Le choix de ces derniers
varie selon qu’il s’agit de blés de
printemps ou de blés d’automne. Les grains utilisés pour faire ces
analyses sont cultivés localement avec
une régie au champs traditionnelle et non pas biologique.
Les grains
Sur le plan des grains, les premiers critères utilisés pour identifier
le type de qualité auquel appartient la variété sont la dureté, le contenu en protéine et l’indice de chute. Dans
le contexte canadien, les blés de boulangerie sont tous, habituellement, d’une dureté assez élevée , ce qui entraîne
un endommagement à l’amidon d’environ 5% lors de leur mouture en farine. La
dureté du grain est mesurée soit par spectroscopie de réflectance dans le
proche infrarouge ou avec l’appareil SKCS. Le résultat confirme s’il s’agit d’un
blé pour panification ou d’un blé pour pâtisserie. Le contenu en protéine du grain , déterminé soit par proche
infra-rouge ou chimiquement, peut varier mais doit atteindre un minimum soit de
12.5% (base 13.5% d’eau) ou de 11.5% dépendant de sa classe qualité. Bien que l’indice de chute soit un paramètre
indicateur d’une récolte probablement tardive, il existe des variétés de blé
qui peuvent avoir un indice de Hagberg toujours trop bas de par leur
génétique. L’indice de chute est donc
mesuré lors des évaluations annuelles et on accepte un minimum moyen de 250
secondes pour toutes les classes de blé
de qualité boulangère.
Les paramètres importants pour les minoteries sont aussi mesurés à
l’aide d’un moulin pilote Bühler, équipé de cylindres de broyage et de
réduction. La performance recherchée dans cette évaluation est cependant très
similaire quelque soit la classe qualité du blé. Le rendement en farine, la teneur en cendres, la teneur en protéines
et la perte en protéines par rapport au grain sont mesurés et comparés aux
cultivars de références; la variété doit être équivalente ou meilleure que
ceux-ci.
La pâte
Les propriétés de la pâte sont obtenues avec le farinogramme. La performance avec le farinographe
Brabender confirme la classe de qualité auquelle appartient la variété
. L’instrument permet une lecture non
seulement de la force du gluten mais aussi du pouvoir d’hydratation de la
farine . L’absorption de l’eau par la pâte est en grande partie fonction du
taux de dommages subit par les grains d’amidon lors de la mouture, lui-même lié
à la dureté des grains. Cependant, le type de protéine présent dans les
grains influence également cette mesure
, la rendant un critère déterminant des classes qualité.
Le profile du farinogramme complète la description du potentiel qualité
de la variété. Le temps de développement et l’indice de stabilité permettent de
positionner la performance en fonction
du potentiel d’utilisation par les minotiers. Ceux-ci feront soit
une mouture directe ou bien un mélange des grains avec ceux d’un blé de
force de plus haute qualité. Dans un contexte d’utilisation pour de la farine
de pain de mie, la proportion de grains provenant de la variété sera plus ou
moins importante selon la force de celle-ci telle que décrite par le
farinogramme.
Le test de panification “Remix”
du Laboratoire de Qualité de la Commission Canadienne des Grains est ensuite
utilisé pour confirmer la performance de la variété en prenant le volume du
pain obtenu.
Les groupes de qualité
Quatre classes de blés de force ont été décrits ainsi qu’une classe dite
de blés spécialisés. A l’heure actuelle,
tous les cultivars commerciaux sont à enveloppe rouge. La classification des cultivars se
fonde sur les analyses obtenues lors de
leur homologation et lors de leur mise
à l’essai pour recommendation au Québec.
L’identification du type de qualité auquel appartient une variété vise , entre autres , l’objectif de
faciliter une meilleure commercialisation des blés et de maximiser ainsi leur
potentiel d’utilisation. Il est important de prévenir un mélange de grains de variétés de différente qualité
et même un mélange entre les grains d’un même groupe par les céréaliculteurs ,
les minotiers étant ceux les plus aptes à faire ces mélanges.
La première classe de qualité, celle dite des blés à pain,
comprend des blés dont la qualité de panification est la plus élevée dans l’Est du Canada. Leur performance dans les tests indique que leur farine pourrait
être utilisée directement pour la fabrication
de pain de mie, sans ajout de blé de
force ou de gluten. On trouve dans ce
groupe , des blés roux de printemps originaires de l’Ouest Canadien et de l’Ontario ainsi que des blés roux développés au Québec.
Les trois autres classes de
qualité sont identifiées comme blés pour mélange par la minoterie catégorisés selon le niveau de force extra-fort,
fort ou moyen de leur gluten. La
classe des blés pour mélange de type extra-fort ne comprend qu’un seul
cultivar, le blé Aquino. C’est un blé dont l’indice de stabilité au
farinographe est très long mais son
utilisation peut être avantageuse en mélange pour ajouter de la force au
gluten ou pour la fabrication des pâtes
à pain surgelées.
Les blés pour mélange de type
fort offrent un niveau de qualité qui permet un mélange
de leurs grains dans des proportions élevées avec ceux de blés à pain lors de
la préparation de farine pour pain de mie.
Le contenu en protéine de ces grains est parfois plus bas que celui des blés à pain. Leur
farine a aussi tendance à absorber un
peu moins d’eau que celle de ceux-ci et
le profile de leur farinogramme est
soit similaire ou un peu plus faible.
De façon générale, pour les blés à pain et les blés pour mélange de type
extra-fort et fort, le contenu en protéine
du grain doit atteindre un minimum moyen de 12.5% . Au Québec, ces blés sont
pour la plupart des blés de printemps
et le seuil minimum de protéine du grain qu’ils atteignent est plus élevé, aux environs de 13-14% dans le
cadre d’une régie au champs traditionnelle.
La troisième classe est celle des blés pour mélange de type moyen.
La qualité boulangère de ces blés n’est pas suffisante pour les mélanger dans
des proportions élevées, mais même lorsqu’ils ne sont utilisés qu’en petites
quantités, les avantages économiques qu’ils représentent sur le plan de la
mouture sont encore présents pour les
minotiers. Le contenu en protéine des grains acceptable pour cette classe est
plus bas avec un minimum moyen de 11.5%
. Leur farine n’absorbe pas autant
d’eau, presque toujours plus bas que 60%.
Leur performance au farinographe est également beaucoup plus faible . On
observe un indice de stabilité de la pâte court et un indice de tolérance au
malaxage élevé.
La classe des blés spécialisés a aussi été ajoutée pour identifier les cultivars dont les
caractéristiques de qualité sont différentes de celles susmentionnées mais pour
lesquels existent des créneaux de
marché. En ce moment , les cultivars AC
Napier et Ruby sont mentionnés dans
cette classe. AC Napier combine une
teneur en protéine du grain et une
qualité de gluten semblables à celles des blés pour mélange de type fort mais
ses grains sont relativement mous par rapport à ceux-ci. Cette dureté plus faible entraîne une
réduction des dommages à l’amidon lors de la mouture. A l’origine, AC Napier
était destiné au marché de la glutennerie où il pouvait offrir un second
débouché de marché avec son amidon peu endommagé. En ce moment, les chercheurs évaluent favorablement sa qualité
sur le plan de la fabrication de
farine produite sur meules de pierre
visant des pains cuits sur sole. Ruby
est un blé d’automne dont la faible force de son gluten est adéquate
pour la fabrication de certains
produits boulangés spécialisés ; sa
commercialisation est donc limitée aux industries qui y voient cet avantage.
Le tableau qui suit offre un répertoire des variétiés de blés de
force , de printemps (P) et d’automne (A), qui peuvent être disponibles
pour la production au Québec ainsi que
leur classification selon les critères
décrits plus haut.
Blés à pain
|
Blés pour mélange par la
minoterie
|
Blés spécialisés
|
||
|
Extra-fort |
Fort |
Moyen |
|
AC Barrie (P) |
Aquino (P) |
AC Drummond (P) |
SS Blomidon (P) |
AC Napier (P) |
AC Brio (P) |
|
AC Pollet (P) |
Consens (P) |
Ruby (A) |
AC Voyageur (P) |
|
AC Walton (P) |
SS Quest (P) |
|
Katepwa (P) |
|
Quantum * (P) |
AC Delta (A) |
|
Celtic (P) |
|
Algot (P) |
Fundulea (A) |
|
Diablo (P) |
|
Max (P) |
|
|
Grandin (P) |
|
Karat (A) |
|
|
|
|
Platinum (A) |
|
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Judith Frégeau Reid est chercheur , chef d’étude, en qualité des grains
avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, au Centre de recherches de l’Est
sur les céréales et oléagineux , à Ottawa.
Son champs d’étude couvre la qualité
des grains pour l’utilisation chez les
petites céréales (blé, orge et avoine) , le maïs et
le soja, destiné aux aliments de
type asiatique. Plusieurs de ses
projets ont reçu un appui financier d’associations de producteurs ontariens
(blé, maïs et soja). Certains projets de recherches ont été en collaboration
avec soit des companies de semences, des minoteries(Robin hood) ou des
organismes tel le CEROM au Québec. Elle est le président actuel du
Sous-comité sur la qualité et la commercialisation du Comité d’experts de l’Est sur les céréales et les oléagineux
.